Pierre de Cœur

Exposition des artistes Marion Fontaine et Natalia Zamudio présentée aux Baraquilles à Die, France

Pierre de Cœur

Pierre de Cœur | Exposition

Entre mémoire et oubli, Pierre de Cœur interroge ce qui demeure et ce qui s’efface.

L’installation de Natalia Zamudio Euphémismes, imprégnée de teintes végétales, porte la trace d’un drame : « les Faux Positifs en Colombie », où des vies ont été arrachées, maquillées, effacées. Des corps disparus, des corps jamais retrouvés. La fibre devient peau, linceul, témoin silencieux d’une histoire gravée dans la matière, mais incomplète, toujours en suspens.

Face à eux, les œuvres de Marion Fontaine en technique mixte à base d’encre sur papier ouvrent un autre espace. Elles flottent entre ombre et lumière, fragments d’un monde perdu ou à venir. Paysages lointains, cendres stellaires, souvenirs dissous — elles murmurent ce qui échappe aux mots.

« Pierre de Cœur » est un souffle entre le visible et l’absent, entre la gravité du réel et l’infini de l’imaginaire.


Euphémismes | Installation au Baraquilles

Cette exposition prend place en dehors des galeries et des musées, s’inscrivant davantage dans la vie quotidienne des habitants. Le Baraquilles, un café-bar situé sur la rue principale de Die, petite ville où je vis, accueille cette nouvelle présentation. Le projet a été présenté pour la première fois l’an dernier lors de l’exposition Traces Fantômes dans un espace associatif de la même ville, à quelques pas d’ici, dans le cadre des Journées Européennes des Métiers d’Art - JEMA. Plus tard dans l’été, il a également été exposé à la Casa Colombia à Paris, à l’occasion des Jeux Olympiques 2024.

Euphémismes trouve son origine dans un événement tragique de l’histoire récente du conflit colombien, le pays dont je suis originaire : les faux positifs – cas 03 de la JEP.

Pour cette nouvelle présentation, l’installation recouvre un mur entier d’un lieu de rencontre et de convivialité : un bar. Cette contrainte d’installation sur le mur du Baraquilles m’a immédiatement inspiré l’idée d’une fusion presque totale entre l’œuvre et l’espace. Ma première intuition a été de recouvrir le mur avec les tissus que j’ai teints, à la manière d’un papier peint s’intégrant naturellement à la décoration du lieu. En explorant l’histoire du papier peint, j’ai découvert qu’il avait, à certaines époques, servi à illustrer divers événements, ce qui m’a confortée dans cette approche.

De plus, cette idée fait écho aux formes de mobilisation qui ont récemment émergé en Colombie pour sensibiliser l’opinion publique aux exécutions extrajudiciaires. Des groupes de citoyens et des associations de la société civile investissent l’espace urbain en réalisant des fresques murales qui interpellent l’État et le gouvernement sur leur responsabilité dans des affaires comme celle des « faux positifs », au cœur de mon travail. L’installation intègre ainsi trois photographies de presse récentes montrant ces peintures murales réalisées par divers groupes et individus en Colombie, rendant visibles les processus et les luttes des victimes.

Pour donner forme à cette idée, j’ai assemblé les bandes de tissu composant l’installation en choisissant une couture à la main. Ce choix s’appuie sur des gestes associés aux soins et aux tâches du quotidien, souvent effectués par des femmes. Il renvoie au rôle central qu’ont joué les mères, épouses et sœurs des disparus dans la reconnaissance des faux positifs par le système judiciaire colombien. Pendant longtemps, leurs témoignages ont été ignorés ou discrédités, et elles ont dû faire face à des réponses simplistes et injustes de la part des autorités.

La couture, au-delà de sa fonction pratique, devient ici un symbole du travail patient et minutieux de mémoire entrepris par ces femmes et leurs familles. À travers cet assemblage de tissus, elle évoque leur engagement à rassembler des fragments d’histoire, à faire entendre leurs voix et à préserver la dignité de leurs proches.

Présenté au Baraquilles de février à mai, Euphémismes ouvre un espace de réflexion et de dialogue sur la valeur de la vie au cœur de notre environnement quotidien.

Plus largement, cette installation invite à réfléchir sur un sujet qui, bien qu’ancré dans un contexte spécifique et lointain, résonne profondément sur le plan humain. Elle interroge notre réalité collective, le monde que nous partageons, tout en soulevant la question de la dignité humaine au-delà des frontières.


Euphémismes est présenté dans le cadre de l’exposition Pierre de Cœur, du 21 février au 15 mai 2025, au Baraquilles à Die, France.


Pierre de Cœur au Baraquilles | Vue d’ensemble de l’exposition

Ph: Natalia Zamudio